Âgé de 32 ans et arbitre National 2 et parmi les 8 arbitres présélectionnés (sur 48) pour une éventuelle montée en National en fin de saison, Nicolas Brotons est également CTDA du District de l’Isère.
Et il a une passion : collectionner les fanions d’arbitres du Monde entier !
On a pris des nouvelles de celui qui avait notamment arbitré le match de gala « réserve du GF38/Sélection des internautes de Footisere » lors des 10 ans de notre site en 2013.
Nicolas, peux-tu dans un premier temps nous résumer ton parcours footballistique et professionnel ?
Nicolas Brotons : « J’ai débuté le football tout petit en Alsace comme joueur, avant de déménager dans la Drôme Provençale en même temps que je faisais ma rentrée au collège. Un changement en entraînant un autre, j’ai décidé de passer au poste de gardien. Alors que j’étais en -18ans, j’étais surclassé en seniors. Ma mère étant secrétaire de mon club (US Valréas dans le Vaucluse) m’a un jour parlé de 2 de mes coéquipiers qui venaient d’être inscrits à une formation pour devenir arbitre. Ayant gardé un bon souvenir de l’expérience d’arbitre bénévole dans mon précédent club (me déplaçant toujours avec l’équipe de mon petit frère, j’arbitrais régulièrement ses matchs…avec le sifflet à bille de mon grand-père !) j’ai demandé à ma mère de m’inscrire aussi car cette fonction me plaisait et m’intriguait à la fois…
Côté professionnel avant d’être Conseiller Technique Départemental en Arbitrage (CTDA), j’étais Consultant en Systèmes d’Information et Tests Logiciels dans un cabinet à Seyssinet-Pariset. Je ne suis pas issu du domaine sportif à la base, mais mes études (MIAGE) m’ont notamment apporté des compétences en informatique et gestion d’entreprise, qui me servent encore dans mon job actuel. »
Quels sont tes rôles et responsabilités au sein du district de l’Isere aujourd’hui en tant que CTDA ?
Nicolas Brotons : « Je suis Conseiller Technique Départemental en Arbitrage (CTDA) au sein du District de l’Isère de Football depuis bientôt 4 ans en octobre prochain. Je suis chargé d’apporter une expertise technique au niveau de l’Arbitrage, mais également d’aider à sa structuration. Mes missions sont diverses et variées : cela va du recrutement à la formation, en passant par la détection, le perfectionnement, la communication interne et externe (dans les clubs, les écoles, les médias…), le suivi, la création de supports (PowerPoint, vidéos…), etc. »
Depuis quand existe ce type de poste en France ? Quelles sont tes interactions avec tes homologues au-delà de notre district ?
Nicolas Brotons : « Il faut savoir que l’ex Ligue Rhône-Alpes était précurseur en ce domaine, puisque les plus anciens poste de CTRA et CTDA y ont été créés. Avant la récente fusion des Ligues, le territoire rhône-alpin comptait 8 techniciens en Arbitrage (2 CTRA au niveau de la ligue, et 6 dans les districts…), alors que toutes les autres comptaient seulement 1 ou 2 techniciens, impliqués uniquement au niveau régional. Tous les techniciens se retrouvent lors d’un séminaire annuel à la FFF, afin de découvrir les nouvelles politiques de la DTA et de faire le bilan de la saison écoulée. Nous nous retrouvons également lors de groupes de travail avec la DTA afin de confectionner de nouveaux supports de formation et d’homogénéiser celle-ci sur toute la France. Au niveau régional, nous nous regroupons quelques fois dans la saison pour échanger au sujet de l’Arbitrage local : formations, stages, politiques… Ces différentes réunions permettent également de partager des idées, des bonnes pratiques et des supports entre nous, dans l’objectif commun d’améliorer l’Arbitrage à tous les niveaux (de District à Fédération). »
« il n’y a pas eu d’effet coupe du monde malheureusement pour l’arbitrage … »
Que représente l’arbitrage aujourd’hui en France en terme de licenciés et en Isère ?
Nicolas Brotons : « Aujourd’hui il y a environ 25000 arbitres en France dont 300 en Isère. Parmi ceux-ci, nous avons 4 fédéraux dont Hakim Ben El Hadj notre représentant local au plus haut niveau (il bénéficie d’un contrat d’arbitre Elite pro en Ligue 1). »
La victoire en coupe du Monde de la France a-t-elle créé des vocations ?
Nicolas Brotons : « Bien que les victoires en Coupe du Monde génèrent toujours un engouement grandissant auprès des jeunes en termes de licenciés, comme ce fut le cas en 98, ce sont les postes de joueurs qui font rêver les plus jeunes… La fonction d’arbitre ne jouit pas d’une image aussi attirante. Plusieurs raisons à cela : les joueurs sont des stars auxquelles s’identifient les jeunes, pas les arbitres ; les joueurs ont un côté plutôt « cool » véhiculé par les médias et régulièrement alimenté avec les réseaux sociaux, tandis que l’arbitre a plutôt cette figure d’autorité que la société actuelle a du mal à accepter et respecter (il n’y a qu’à voir le respect des lois et des autorités dans la vie de tous les jours…) ; l’image des arbitres est régulièrement ternie et on les accuse de toutes parts en leur prêtant des erreurs qui n’en sont pas ou en inventant des règles qu’ils diffusent au grand public (la méconnaissance des règles par les différents acteurs et spectateurs du football reste le plus grand fléau de ce sport !) ; les violences grandissantes au bord des terrains (propos, menaces, coups…) ne donnent pas envie de devenir arbitre et les sanctions appliquées restent rédhibitoires à côté d’autres sports… »
« changer les mentalites en intervenant dans les clubs »
Quels sont les axes de développement pour promouvoir l’arbitrage aujourd’hui en France ?
Nicolas Brotons : « Il y en a plusieurs, mais s’il ne fallait en retenir qu’un, il faudrait commencer par l’éducation. Le football est le seul jeu au monde auquel tout le monde accepte de jouer sans jamais qu’on nous explique les règles…
Ferait-on pareil avec n’importe quel autre jeu ? Trouverait-on cela normal ? Non !
Et pourtant cela ne choque personne au football…on y joue en croyant connaître les règles et en écoutant ce que les gens autour des terrains disent (éducateurs, dirigeants, spectateurs, commentateurs…) alors que la seule personne formée aux lois du jeu reste l’arbitre !
Cet aspect éducatif fait partie de mes missions : essayer de changer les mentalités par rapport à l’Arbitrage en intervenant dans les clubs. Les retours sont extrêmement positifs, malheureusement certains clubs ne voient pas le réel intérêt de parler de l’Arbitrage. Alors qu’ils sont nombreux : cela peut leur permettre de recruter des arbitres, et ainsi d’éviter de se retrouver en infraction par rapport au statut de l’Arbitrage et d’être sanctionnés, cela peut également changer la vision de l’arbitre et réduire le nombre de cartons ou actes contestataires…
Il faut également parler de la politique actuelle de la DTA en faveur de l’arbitrage féminin. Pour les filles, les portes sont grandes ouvertes. Contrairement à un garçon pour qui il faudrait compter à minima 10 ans avant d’accéder au plus haut niveau (Ligue 1) en espérant une promotion chaque année (ce qui est exceptionnel), une fille peut arriver en D1 féminine après 4 à 5 saisons. Bien sûr, cela n’exclut pas le travail et le sérieux, et de bonnes bases athlétiques, mais la différence est importante. »
« hakim ben el hadj une fierte pour le football iserois …. »
Tony Chapron a tiré sa révérence dans son style particulier. Aujourd’hui c’est Hakim Ben El Hadj le porte-drapeau de l’arbitrage en Isere. Une fierté pour notre district et ses arbitres j’imagine ?
Nicolas Brotons : « Effectivement ! Quelle fierté de pouvoir compter dans nos rangs un arbitre Élite ! Qui plus est, bien que discret, c’est quelqu’un d’extrêmement abordable… Nous avons un groupe d’entraînement d’arbitres en Isère, qui se réunit tous les mardis soirs à Tullins. Hakim y participe régulièrement, et ne rechigne jamais à répondre aux questions des plus jeunes, les conseiller, parler de ses anecdotes au plus haut niveau, ou prendre une photo avec eux. »
Le VAR a ses détracteurs et ses partisans. A titre personnel et ça n’engage que toi pas tes fonctions officielles, que penses-tu de ce dispositif ?
Nicolas Brotons : « Les arbitres sont toujours demandeurs d’outils d’aide à la décision. C’est bien entendu un plus. Cependant chaque solution comporte ses forces et ses faiblesses. La solution parfaite n’existe pas, et l’Arbitrage reste avant tout une affaire humaine puisque sujette à interprétation. Une notion prépondérante dans le jugement humain et dans l’arbitrage.
Tout le monde pensait que la vidéo allait supprimer toutes les erreurs (ou supposées comme telles), or de nombreuses décisions reposent sur une certaine subjectivité liée à l’interprétation. C’est le cas dans les duels notamment : faute ou pas ? Chaque individu a sa propre personnalité, sensibilité, cela dépend également de la lucidité, du placement et de l’angle de vue. Les commentateurs se rendent parfois compte de la justesse ou non d’une décision arbitrale après 8 ralentis alors que l’arbitre ne dispose pas de telles images sur le terrain et il arrive d’ailleurs que même entre arbitres nous ne soyons pas toujours d’accord sur certaines situations.
Les règles du football sont ainsi faites, les gens doivent accepter qu’une décision puisse reposer sur une certaine part de subjectivité et donc engendrer une décision différente d’une situation à l’autre, bien qu’elles semblent similaires. Tout comme ils acceptent qu’un joueur puisse rater une passe ou pire un penalty. Il faut l’accepter et la vidéo ne changera pas cela. A contrario, sur des décisions binaires telles que faute dans la surface ou non, là c’est indéniable. »
« l’arbitre est avant tout un etre humain, un passionne. il peut faire des erreurs. il faut l’accepter »
Les arbitres sont souvent décriés et parfois agressés dans un rôle primordial et ingrat… que peux-tu dire pour encourager un jeune à prendre le sifflet ?
Nicolas Brotons : « L’Arbitrage peut être cool, franchement ! Prendre des décisions, avoir des responsabilités, être le « maître du jeu »…
Pour les plus jeunes, cela permet de grandir, de se forger une personnalité, de s’affirmer, c’est une formidable école de la vie !
Tous les jeunes joueurs devraient être invités par leurs éducateurs à prendre le sifflet ou le drapeau au moins une fois dans leur vie. C’est le meilleur moyen de savoir ce que représente le rôle d’arbitre. Parmi les nouveaux arbitres formés, plus de 80% des candidats ont déjà arbitré au moins une fois dans leur vie. Les chiffres parlent d’eux-mêmes !
De plus, cela permet également aux plus jeunes joueurs d’avoir plus de retenue lors des matchs face aux décisions arbitrales, puisqu’ils auront déjà vécu les difficultés liées à la prise de décision.
Pour finir, devenir arbitre peut également permettre d’accéder à des niveaux de compétition bien plus intéressants que ceux auxquels on peut évoluer en tant que joueur.
Pour ma part, je n’aurais jamais pu accéder au niveau fédéral comme joueur alors que l’Arbitrage m’a permis d’évoluer sur des terrains de National ou L2, et d’arbitrer des centres de formation. On croise parfois des joueurs pros, anciens pros ou futurs pros…
Si cela vous intrigue, essayez l’Arbitrage, ça vaut le coup. Et puis si finalement ça ne vous plaît pas, rien ne vous empêche d’arrêter… Quel est le risque ? peut-être que vous allez accrocher ! »
FOOTISERE a fêté à la fin du mois ses 16 ans. As-tu un message particulier à faire passer à nos internautes ?
Nicolas Brotons : « Je n’étais pas encore arbitre à l’époque des débuts du site, en 2003 ! Quelle longévité ! Bravo ! J’espère être de la partie pour les 20 ans, comme je l’ai été pour les 10 ans ! 😉
Pour les internautes…n’oubliez pas que l’arbitre reste un être humain, passionné de football, qui vient pour rendre service en essayant de faire de son mieux. Tout comme les joueurs, il peut faire des erreurs ; mais elles ne sont pas plus préjudiciables l’une que l’autre… De plus, l’arbitre reste au niveau de compétition correspondant à ses compétences. Si sur le terrain l’arbitre ne sait pas siffler, regardez aussi les passés des joueurs… »
Coordonnées pour joindre Nicolas Brotons pour tous renseignements : nbrotons@isere.fff.fr